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- ALAMOALAMO (Atelier de littérature assistée par la mathématique et l’ordinateur)L’Atelier de littérature assistée par la mathématique et l’ordinateur (Alamo) a été créé en juillet 1981 à l’initiative de Jacques Roubaud et Paul Braffort et a reçu une existence officielle lors d’un colloque en 1982. Il apparaît comme une émanation de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) et regroupe des oulipiens, mais aussi d’autres écrivains, des enseignants et des chercheurs dans les domaines de la linguistique, de l’intelligence artificielle et de la pédagogie. Simone Balazard, Jean-Pierre Balpe, Marcel Benabou, Mario Borillo, Michel Bottin, Paul Braffort, Paul Fournel, Pierre Lusson et Jacques Roubaud en sont les membres fondateurs.L’Oulipo, qui se proposait de développer une écriture «sous contrainte», avait utilisé l’ordinateur dans la création littéraire dès 1977, mais les perspectives ouvertes par l’utilisation de l’informatique débordant le projet oulipien, la création de l’Alamo a correspondu à une clarification des enjeux. Ce qui caractérise ce nouveau groupe, en effet, c’est l’ambition de fonder la création littéraire assistée par ordinateur sur une analyse préalable des mécanismes (linguistiques, textuels, littéraires, algorithmiques) qui régissent en langue la production des textes; autrement dit de se doter d’outils susceptibles de fournir l’armature conceptuelle de programmes de génération automatique de textes. C’est dans cette perspective qu’a été élaboré le projet Palap (Procédure d’analyse littéraire algorithmique polymorphe).Les travaux de l’Alamo peuvent être classés selon trois niveaux de complexité croissante:– le premier niveau consiste à exploiter informatiquement les potentialités des textes combinatoires (par exemple: les Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau ou Les Litanies de la Vierge de Jean Meschinot);– le deuxième niveau, appelé «fonctionnel» par référence aux fonctions mathématiques, utilise la technique dite du moule: des évidements sont pratiqués dans un texte, jouant ainsi le rôle de variables. Les valeurs de ces variables sont ensuite prises au hasard dans des lexiques. Ainsi la phrase «le vase où meurt cette verveine» pourra donner «le vase où meurt cette fillette», ou encore «le vase où meurt cette baleine». Le programme gère automatiquement les problèmes d’accords grammaticaux (par exemple: les Aphorismes de Marcel Benabou ou Rimbaudelaire obtenu à partir du «Dormeur du val» de Rimbaud et d’un lexique tiré des Fleurs du mal );– le troisième niveau, dit «inférentiel», est beaucoup plus complexe. C’est celui de la génération automatique proprement dite. Les premières recherches dans ce domaine ont été menées, à partir des travaux sur la structure des contes conduits par V. Propp, par des chercheurs américains (Sheldon Klein, John Meeham, Mahoud Yazdani). Devant la difficulté de la tâche, l’Alamo s’est d’abord attaché à produire de courts textes dans des genres fortement structurés comme les notices, petites annonces, modes d’emploi, poèmes à forme fixe, etc. Cela à partir d’une macrostructure arborescente (du type grammaire de texte) associée à des dictionnaires munis de descripteurs et permettant la gestion de micro-univers (par exemple: les Haïkus de Jacques Roubaud et Jean-Pierre Balpe, 1984).La génération automatique de textes pose de façon radicalement nouvelle le problème des rapports entre l’auteur et son œuvre. Aussi, plutôt que de publier des textes produits par les membres de son groupe – ce qu’il a fait cependant dans le numéro 95 de la revue Action poétique – l’Alamo propose des programmes appelés «littéraciels» et anime des stages. Son ambition est de mettre à la disposition du public des outils informatiques de création littéraire. Ainsi ont été conçus et expérimentés des logiciels de génération de textes dramatiques, de création de contes, de création assistée de textes basés sur la technique du moule. Mais le programme le plus ambitieux est celui du «méta-littéraciel» Lapal (Langage algorithmique pour la production assistée de littérature) conçu et réalisé par Anne Dicky. En cours de développement, il se veut polyvalent, ouvert et convivial. Il permet le dialogue en langue naturelle avec l’utilisateur, peut gérer des modules externes comme des dictionnaires ou des analyseurs syntaxiques, et intégrera bientôt les possibilités du multimédia et des réseaux. Il devrait permettre aux utilisateurs d’exercer leur créativité dans tous les genres littéraires, de la poésie au conte ou au roman. L’intérêt suscité par cette démarche à l’étranger a engendré la création de groupes correspondants de l’Alamo, notamment aux États-Unis et en Italie.
Encyclopédie Universelle. 2012.